Introduction

Les systèmes multi-agents (SMA) ont pris maintenant leur place parmi les solutions applicatives reconnues par les concepteurs. Cette approche considère des systèmes au sein desquels des entités autonomes appelées agents coopèrent à la réalisation de tâches au travers d’une grande variété d’interactions et, bien souvent, l’existence de phénomènes collectifs fait apparaître des propriétés émergentes à des niveaux divers.

Ce domaine de recherche qui mobilise des scientifiques issus majoritairement de l’informatique, des sciences cognitives et des systèmes complexes a produit un large spectre de solutions en termes de modèles, de solutions d’architectures, de méthodologies et de technologies.

Les développeurs d’applications diverses se les approprient de plus en plus et les font évoluer selon leur besoin ainsi que l’illustrent les articles rassemblés dans ce numéro spécial « système multi-agent ». Les articles présentés sont issus d’une sélection des meilleures contributions parmi 72 articles soumis aux 22e et 23e journées francophones des systèmes multiagents (JFSMA) qui se sont déroulées respectivement à Loriol-sur-Drôme en octobre 2014 et à Rennes en juillet 2015 dans le cadre de la Plateforme de l’Intelligence Artificielle 2015. Les auteurs de ces meilleures contributions ont été invités à soumettre une version étendue de leur article pour parution dans RIA. Après une nouvelle phase d’évaluation par trois rapporteurs, 10 articles ont été retenus pour ce numéro, regroupant ainsi les contributions les plus significatives de la communauté de recherche francophone dans le domaine des systèmes multiagents en 2014 et 2015.

Nous avons organisé ce volume de façon à couvrir de grands champs de la recherche de la thématique SMA visant à présenter les contributions sous deux volets :

1) les travaux de recherche portant sur des thèmes fondamentaux des systèmes multi-agents, à savoir la coordination de systèmes distribués et la simulation individu centrée ;

2) les travaux qui témoignent de la maturité de ce champ de recherche en proposant des méthodes et outils pour l’ingénierie de SMA ou des méthodes de vérification et de validation d’applications multi-agents.

Dans la première catégorie de travaux portant sur les aspects fondamentaux, trois contributions s’intéressent à la coordination dans les systèmes distribués :

– Le premier article proposé par Guillaume Casanova et al., Gestion des réseaux temporels simples multi-agents dynamiques, considère le problème du maintien de la cohérence temporelle des plans distribués. – L’article de Jonathan Bonnet et al. intitulé ATLAS : Planification multi-satellite dynamique et temps réel propose une démarche pour maximiser la coopération entre 8 RIA. Volume 30 – n° 1-2/2016 les agents d’un système en assurant un partage équitable des tâches au sein d’une constellation de satellites d’observation de la Terre.

– Le troisième article de Zina El Guedria et Laurent Vercouter intitulé Personnalisation par une approche stigmergique de la navigation au sein d’un corpus documentaire à base d’agent et d’artefact dans lequel les auteurs proposent de traiter la diversité d’influence à considérer dans la recherche documentaire par un système multi-agent interagissant par un environnement partagé représentant la navigation des utilisateurs.

Toujours sur les aspects fondamentaux des SMA, deux articles illustrent des travaux relatifs au thème de la simulation individu centrée qui touche une problématique particulièrement active dans la communauté SMA :

– L’article de Stéphane Galland et al. intitulé Environnement multidimensionnel pour contextualiser les interactions des agents - Application à la simulation du trafic routier urbain traite d’un sujet important et encore largement lacunaire du domaine des SMA, à savoir la modélisation de l’environnement dans un SMA. Il propose de considérer plusieurs dimensions à l’environnement (physique, communicationnelle et sociale) et de modéliser des lois inhérentes à chacune de ces dimensions, ainsi que des lois régissant les interactions entre ces dimensions.

– Un deuxième travail de recherche d’Emmanuel Hermellin et Fabien Michel : Délégation GPU des perceptions agents : application aux boids de Reynolds, traite de l’utilisation du GPGPU (General-Purpose Computing on Graphics Processing Units) pour les systèmes de simulation multi-agent. L’idée derrière la proposition est d’identifier des calculs qui peuvent être transformés en dynamiques environnementales afin d’être pris en charge par des modules GPU.

La seconde catégorie de travaux publiés dans ce numéro s’intéresse aux méthodes et outils pour l’ingénierie de SMA et à la vérification et la validation.

Trois articles relatifs au thème méthodes et outils ont été retenus, le premier d’entre eux établit tout particulièrement la transition avec le thème précédent sur la simulation.

– L’article Design Patterns pour les environnements dans les simulations multiagents de Philippe Mathieu et al. se focalise spécifiquement sur le concept d’environnement au sein d’une simulation. L’objectif des auteurs est de proposer un cadre universel simple permettant de caractériser formellement l’environnement pour un contexte d’usage donné, et de déduire de cette caractérisation les implications d’implémentation. Cette déduction s’établit sur la base d’un ensemble de quatre design patterns que les auteurs définissent dans cet article.

– L’article suivant de Zeineb Graja et al., intitulé Vers une modélisation formelle basée sur le raffinement des systèmes multi-agents auto-organisateurs, propose une approche de conception de systèmes multi-agents auto-organisateurs par raffinements successifs de machines abstraites utilisant le langage B-événementiel Introduction 9 dont les propriétés sont prouvées en utilisant la logique TLA. Cette proposition est importante car la preuve de systèmes auto-organisateurs est un défi majeur. – Le dernier article de ce thème de Maiquel de Brito et al., intitulé Institution artificielle située pour une aide à la régulation de la gestion de crises, propose l’utilisation d’une institution artificielle située au sein d’un système multi-agent normatif, interactif, et hybride pour réguler la collaboration humaine dans une situation de gestion de crises. Les actions des acteurs humains sont alors rationalisées par des normes, en fonction de la dynamique de l’environnement dans lequel ils sont situés.

Enfin, les deux derniers articles de ce volume présentent des travaux relatifs au thème vérification et validation illustrant la maturité atteinte par les travaux de la communauté SMA en s’intéressant à des aspects de benchmarking et de calibration :

– Le premier de Zhi Yan et al., intitulé Benchmarking de performance pour l’exploration multirobot, s’intéresse à l’analyse comparative des performances des systèmes multirobots qui explorent et cartographient des terrains inconnus. Les auteurs proposent une sélection de métriques pour comparer objectivement différents algorithmes de coordination de systèmes multirobots.

– Le dernier de Kévin Darty et al., intitulé Évaluation et calibration des comportements des agents pour les simulations immersions, s’inscrit dans le contexte d’environnements virtuels immersifs, dans lesquels des agents intelligents doivent reproduire des comportements humains et apparaître réalistes pour les utilisateurs. Il présente une méthode semi-automatique de calibration de simulations multi-agents participative basée sur la combinaison de classifications non supervisées de traces de simulation et d’annotations par des participants. Elle permet d’écarter les jeux de paramètres invalides, de calibrer des simulations valides et d’expliquer les manques du modèle agent pour l’améliorer.