INTRODUCTION

INTRODUCTION

Julien Bonnel Jérôme Mars Barbara Nicolas 

Lab-STICC ENSTA Bretagne

GISPA-Lab, Grenoble-INP

GISPA-Lab, Grenoble-INP/Créatis, INSA Lyon

Page: 
7-10
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DOI: 
https://doi.org/10.3166/TS.33.1.7-10
Received: 
N/A
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Accepted: 
N/A
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OPEN ACCESS

Abstract: 

Les océans et l’eau qu’ils contiennent jouent un rôle vital pour l’humanité à de nombreux titres. Ils sont à l’origine de la régulation des climats, ils recèlent une immense biodiversité qui est encore largement inconnue, ils sont également le berceau de ressources naturelles qu’il faudra maîtriser. Premier contributeur de protéines animales pour l’alimentation humaine, la bonne gestion des fermes aquacoles et marines est un impératif d’avenir. Le développement des sites d’énergies renouvelables (vent, courant, houle, rivière...) doit être une réponse aux questions actuelles en matière énergétique, et ceci, même si la recherche et la surveillance des ressources fossiles a encore une place favorite dans nos sociétés. Enfin, les océans sont également des zones stratégiques à surveiller, impliquant une constante évolution des défis technologiques liées aux activités de défense (e.g. lutte sous-marine).

Les océans, les lacs et les rivières sont les lieux d’une large gamme d’activités en constante évolution : production d’énergies renouvelables, essor du transport maritime, gestion des zones sensibles (aire naturelle, zones portuaires, sites stratégiques etc.). Les contraintes juridiques et environnementales étant de plus en plus fortes, les développements méthodologiques pour l’observation et la surveillance du milieu océanique sont un véritable challenge et constituent un domaine de recherche multidisciplinaire très actif au sein duquel il est nécessaire d’inventer, de proposer et de développer des outils de caractérisations performants pour comprendre, évaluer et agir.

Après une première édition d’un numéro spécial de la revue Traitement du Signal « Caractérisation du milieu marin » (volume 25, n° 1-2/2008), suivi d’une deuxième (volume 30, n° 3-4-5, 2013) intitulée « Traitement des signaux et de l’information pour la caractérisation du milieu marin », cette troisième édition se fait l’écho de la communauté signal et acoustique qui a répondu présente au 3e workshop SERENADE (Surveillance, Etude et Reconnaissance de l’Environnement mariN par Acoustique DiscrètE). Ce workshop a été organisé en novembre 2014 à Grenoble par le GIPSA-Lab, l’ENSTA Bretagne, le SHOM et la chaire CHORUS, et a vu la participation de 60 contributeurs.

Le présent numéro « Traitement du signal et des images en acoustique sous- marine » présente une partie des recherches les plus récentes développées dans cette thématique. À partir d’une sélection des présentations de SERENADE, ce numéro aborde l’observation des environnements marins en utilisant l’acoustique d’une façon novatrice. Une place importante est faite au traitement du signal et de l’information, puisqu’il est nécessaire pour exploiter au mieux les informations recueillies par les différents capteurs (sonars actifs et/ou passifs).

Les articles illustrent le large spectre d’utilisation des signaux acoustiques, ils recouvrent les recherches liées au traitement et l’interprétation des signaux acoustiques, en particulier en réponse à des demandes environnementales civiles ou de défense. Ainsi, le numéro débute par des articles méthodologiques autour de la problématique de localisation et de l’estimation de sources acoustiques par des concepts tensoriels ou d’acquisition comprimée. Suivent deux articles présentant des méthodes de classification-suivi et d’inversion à partir de signaux de mammifères marins et un article lié à la physique et aux propriétés d’un signal généré par une source opto-acoustique. Ce numéro se conclut par deux articles présentant des résultats sur l’acoustique au service de la cartographie biophonique et de l’écologie halieutique.

La première contribution en traitement d’antenne, de Sahnoun et Comon, s’intéresse au problème de localisation et d’estimation de sources en champ lointain dans des conditions difficiles, à savoir lorsque les sources sont corrélées et proches dans l’espace, et ce avec peu d’échantillons temporels. L’algorithme proposé est basé sur une approximation tensorielle de rang faible sous des contraintes originales garantissant son existence. Il nécessite une antenne formée de plusieurs sous- antennes identiques se déduisant les unes des autres par translation. Pour fonctionner, il exige une « diversité » supplémentaire, en plus du temps et de l’espace. Dans cet article, cette diversité est obtenue grâce à la propriété  d’invariance par translation dans l’espace, dont jouissent certaines antennes formées de sous-antennes identiques.

Le deuxième article de Le Courtois et Bonnel porte sur l’estimation modale large bande à partir d’une antenne horizontale. Dans un contexte de sources basses fréquences, la propagation acoustique est modélisée par une somme de modes dispersifs où chaque mode est caractérisé par son nombre d’onde horizontal. Les auteurs s’intéressent à l’estimation de ces nombres d’ondes qui sont des paramètres importants pour l’inversion des paramètres environnementaux (e.g. composition des couches sédimentaires). Associé à une méthode de filtrage particulaire pour séparer les nombres d’ondes sur une large plage de fréquences, ils proposent une méthode d’acquisition comprimée pour améliorer les performances de l’estimation spectrale spatiale à partir d’antenne horizontale courte. La méthode est appliquée avec succès sur les mesures de l’antenne SHARK (32 capteurs) de la campagne Shallow Water 2006.

Les deux articles suivants concernent des travaux appliqués aux sons émis par  les mammifères marins et utilisent la propagation acoustique sous-marine comme vecteur d’information. Les approches présentées sont différentes et montrent la richesse et l’intérêt d’utiliser ces sources d’opportunité, soit pour imager le milieu (Barazzutti et al.), soit pour étudier les mammifères marins eux-mêmes (Gérard). Ainsi Barazzutti et al. introduisent de nouveaux outils pour le traitement de signal dans le cadre d’un schéma d’inversion géoacoustique passive en s’appuyant sur des modulations de fréquence de mammifères marins captés sur un unique hydrophone. La méthode proposée se base sur l’utilisation de la propagation multitrajet pour extraire l’information nécessaire à l’estimation du coefficient de réflexion du sédiment superficiel. À partir de l’ajout d’une nouvelle étape de traitement basée sur des opérateurs de déformation temporelle (warping), ils proposent un algorithme permettant d’une part, la séparation haute résolution des échos et, d’autre part, l’augmentation de la portée et de la diversité des signaux candidats à la méthode d’inversion. Les performances sont évaluées sur des données synthétiques puis confrontées avec succès aux émissions réelles dans le golfe du Lion.

Dans le second article s’intéressant aux vocalises de mammifères marins, Gérard propose une méthode de détection et classification automatique de signaux acoustiques de baleines à bec. Ces mammifères sont difficiles à observer et font partie des espèces les plus sensibles au bruit anthropique. L’acoustique passive est donc un vecteur privilégié pour les étudier. L’originalité de la méthode réside dans une classification en deux étapes : la première est faite sur les clics individuels, la deuxième consiste à associer les clics d’un individu à l’aide d’une méthode de pistage (tracking), afin d’en extraire les trains de clics. Les résultats très encourageants sont présentés sur trois espèces de baleines à bec, ils permettent notamment de détecter et d’identifier des clics de baleines à bec en présence de clics de dauphins.

Si les deux articles précédents illustrent l’intérêt d’utiliser des sources d’opportunité, certains contextes opérationnels imposent toujours l’utilisation de sources acoustiques contrôlées. Sessarego et al. proposent un travail d’opto- acoustique non linéaire, consistant à générer un signal acoustique dans l’eau à partir d’un laser pulsé térawatt. Leurs travaux montrent que les lasers de ce type peuvent être utilisés pour produire des sources acoustiques déportées, avec des applications directes pour l’acoustique sous-marine. Lors d’une expérimentation en cuve, ils s’intéressent aux propriétés du signal acoustique (contenu spectral, niveau acoustique du signal reçu, propriétés de directivité de la source) et étudient l’influence des différents paramètres du faisceau laser (longueur d’onde, présence d’hétérogénéité) sur les propriétés de ce signal acoustique, en insistant notamment sur le rendement opto-acoustique.

Les deux articles qui concluent le numéro sont relatifs à l’utilisation concrète de l’acoustique pour répondre à des problématiques environnementales : l’écologie halieutique et la cartographie biophonique. Guillard montre que les méthodes hydroacoustiques (échosondage) sont un outil majeur de l’évaluation des stocks piscicoles car elles permettent d’obtenir des informations sur les peuplements de poissons sans recourir aux classiques statistiques de pêche. Trois exemples précis illustrent le propos : 1) l’influence de la fréquence pour un suivi normalisé de la qualité des eaux, 2) l’étude de la dynamique d’une population de perches et 3) l’étude de l’architecture interne des bancs par sonar multifaisceau.

Dans l’article suivant, Lossent et al. s’intéressent à la description et à la cartographie de la biophonie d’un site côtier complexe constitué de quatre habitats différents : roche, sable, herbier et coralligène. L’étude, basée sur une analyse en composante principale (ACP), démontre que le paysage sonore de chaque habitat diffère : ils sont composés des mêmes sources mais dans des proportions différentes. L’utilisation des deux premières composantes de l’ACP permet notamment l’identification de l’habitat ayant donné naissance à la biophonie.

Ce numéro aborde différents aspects de traitement du signal et des images en acoustique sous-marine, en associant des recherches méthodologiques à des travaux expérimentaux, et donne un éclairage sur les recherches actuelles autour du signal et de l’acoustique en France. Nous remercions chaleureusement tous les auteurs pour leurs contributions qui constituent le cœur de ce numéro spécial. Nous remercions également les relecteurs pour la qualité de leur travail et de leurs commentaires.